Jacques Abouchar 1984

Je n’ai jamais mis les pieds en Afghanistan. L’éditorialiste Claude Monnier non plus, que je sache. Jacques Abouchar, si ! Envoyé spécial d’Antenne 2, il y a été arrêté en 1984 par l’armée soviétique et condamnée à 18 ans de prison pour franchissement illégal de la frontière. Plus tard, sa peine serait réduite 40 jours et il serait expulsé mais, en octobre 1984, Claude Monnier ne le sait pas encore. Alors qu’en France et dans le monde les manifestations se multiplient pour obtenir la libération d’Abouchar, Monnier il écrit dans La Suisse:

« La guerre afghane est une guerre. Elle n’est pas un jeu, dans lequel on pourrait entrer à sa guise, pour crier « pouce » lorsque les choses tournent mal ».

Il me fallait lui répondre. Voici ma lettre, publiée un peu plus tard dans le courrier des lecteurs.

LETTRE OUVERTE A UN JOURNALISTE ASSIS

Ainsi donc, Monsieur Monnier, vous chroniquez en chambre. En d’autres termes, vous commentez la vie du monde, assis sur un fauteuil à roulettes et penché sur un clavier de machine à écrire, dans le confort rassurant d’un pays en paix. Ne voyez pas là un quelconque procès, vous êtes, nous sommes nombreux à chroniquer ainsi.

Le problème, c’est que , pour livrer notre dentelle quotidienne au lecteur, il nous faut de la matière première. De l’information glanée sur le terrain. C’est cette information que Jacques Abouchar allait chercher en Afghanistan. Pour lui comme pour Antenne 2, c’était là un choix, respectable et responsable. C’était aussi un devoir, ne vous en déplaise. Le devoir d’informer, avec les risques que cela comporte.

Le journaliste est un homme comme les autres, dites-vous. Certes, et surtout lorsqu’il est assis dans son fauteuil. Mais, dans le réel exercice de son premier devoir, celui d’informer, c’est forcément un homme à part. L’énormité de la condamnation de Kaboul (dix-huit ans de prison pour avoir franchi une frontière) le montre à l’évidence.

Quant à l’irresponsabilité dont vous faites preuve dans votre article, elle est sans nul doute le fait d’un p ivilégié. Mais pas forcément l’honneur d’un journaliste.

Alex Décotte, membre de la Fédération Suisse des Journalistes et du Comité de la Communauté des Journaliste de Télévision.

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