Bretagne au coeur

Dia065.0022

Les Bretons ne sont jamais vaniteux mais, en secret, ils sont orgueilleux. Ils ont pour eux leur conscience et toutes ces consciences mises bout à bout, aussi hétéroclites, aussi différentes, aussi bariolées soient-elles, ont donné naissance à une âme. Ernest Renan l’écrivait voilà plus d’un  siècle mais cette particularité, suffisamment rare aujourd’hui pour être signalée, n’a pas pris une ride. La Bretagne non plus, d’ailleurs.

La Bretagne et les Bretons me manquent. Chaque année. Chaque jour. Chaque instant. Je ne suis pourtant pas breton et c’est presque le hasard qui m’y a guidé, moi qui ne jurais que par les chevaux de Camargue. Il aura fallu la rencontre avec Bernard Thomas, journaliste au Canard Enchaîné. Il écrivait à distance, passant la moitié de son temps dans l’incroyable maison de Trez Goarem, face à l’océan et à l’île de Sein.

L’été, la maison se remplissait de ses amis comme elle s’était remplie d’autres amis, lorsqu’y vivait Georges van Parys, compositeur des musiques de films d’après-guerre.

Nous étions nombreux mais la maison était grande et nombre d’amis venaient des environs, Audierne, Douarnenez. Chacun, à sa manière, était philosophe. Moi, j’étais plutôt le cuistot. Les petits bateaux ne rentrant au port qu’en fin d’après-midi, c’est à ce moment seulement que je découvrais quel menu je pourrais faire, le soir, pour ma trentaine d’affamés. On se mettait rarement à table avant onze heures. On mangeait, buvait, fumait. Et on parlait. Jusqu’à point d’heure, et même bien au-delà.

Parfois, j’ai l’étrange impression d’être né à cet endroit, en Bretagne. J’avais trente ans.

J’y suis revenu, j’y reviens chaque année. Bernard est mort. La maison a été vendue. Mais il reste des amis, et quels amis ! Une seule fois, j’ai raté le rendez-vous annuel. J’en ai été malade jusqu’à l’été suivant.

Au fil des ans, j’y ai enregistré moult émissions de radio puis de télévision. Ecrit aussi. Un gros bouquin merveilleusement illustré par les photos de mon autre ami de toujours, Maximilien Bruggmann, disparu lui aussi. Mais aussi un plus petit fascicule, plus intime et qui me tient davantage à coeur.

Une bonne douzaine de chapitres brefs. Je crois y avoir insufflé un peu de l’âme bretonne. Et un peu de la mienne.

Commencer la lecture