Aimé dit Maurice

Mon père est mort dans la nuit, à l’hôpital. C’était voilà tout juste cinquante ans et je ne m’en suis jamais vraiment remis.Je l’aimais, je pense, mais je ne suis pas sûr de l’avoir connu. Nous avons longtemps vécu sous le même toit mais nous étions restés étrangers – disons plutôt visiteurs – l’un pour l’autre. Mon premier souvenir de lui ? Peut-être cette nuit de Noël où il était venu me réveiller, dans ma chambre à l’étage, pour que je descende au plus vite. Le père Noël venait de passer tout exprès pour moi, dans le chemin bordant la maison. Avec un peu de chance j’aurais encore le temps de le voir s’éloigner avec son traîneau.

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Dernières conversations avec Gorbatchev

Et si nous profitions de la trêve des confiseurs pour lire un peu. Je vous proposerai, ces prochains jours, quelques bouquins qui me sont tombés entre les pattes et qu’à la dernière page j’ai eu quelque peine à lâcher. A commencer par ces « Dernières conversations avec Gorbatchev », à lire comme un polar, un conte ou, à la lumière de cette douloureuse année 2022, comme l’annonce d’un drame universel à venir.

Pendant près de trente ans, journaliste au Journal de Genève d’abord, à la Télévision suisse ensuite, Darius Rochebin a interrogé cet homme par lequel le monde a changé. Qui s’en souvient ? Et pourtant, à l’insu de son plein gré, la chute du Mur de Berlin, la fin de l’URSS, l’indépendance de l’Ukraine et d’une tripotée d’anciens états vassaux, c’est lui.

Il ne s’agit pas d’interviews successives mais d’un récit palpitant, fait d’entretiens d’homme à homme, où chacun apporte sa pierre à la réflexion et à la mémoire. Alors que l’Ukraine est aujourd’hui sous le feu d’un fou, il n’est pas inutile d’entendre la parole d’un sage.

Dernières conversations avec Gorbatchev / Darius Rochebin / Postface d’Hélène Carrère d’Encausse / Robert Laffont / 21€

Alex Décotte, 25 décembre 2022

Souvenirs 1995: Chypre

Le pourtour de l’église, ainsi que la cloison séparant de la partie où seul peut évoluer le prêtre, sont couvertes d’icônes plus ou moins belles. Les voûtes montrent des pierres apparentes en mauvais état mais, de-ci de-là, on distingue des restes d’enduit sur lesquels apparaissent à peine des fresques d’un autre temps. Les Chypriotes ont si souvent changé de maîtres – et donc de religion – que les églises sont restées extérieurement intactes tandis qu’à l’intérieur, les attributs du moment se substituaient à ceux de la veille. Est-ce pour cela que les orthodoxes se sont mis à peindre des icônes portatives ?

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Souvenirs 1983: Chypre

N’était la piste, on pourrait vraiment se demander si l’aéro­port de Larnaka est un véritable aéroport. Les bâtiments alentour ressemblent plutôt à des baraquements de fortune. Et, lorsque le regard se tourne vers la mer, l’horizon est barré par une douzaine d’appareils qui ne pourraient en aucun cas ressembler à des avions civils. Gros bombar­diers un rien décatis, avec leur tourelle d’observation et leur ventre énorme. Avions de liaison tachetés de léopard. Hélicos à vous engouffrer une escouade de débarquement,pales frémissantes dans le vent guilleret de la mi-journée.

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Avec les Indiens d’Amérique du Nord / 1972

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Où étiez-vous lorsque nous avions besoin de vous ?

Où étiez-vous lorsque nous vous voulions frères ?

Maintenant vous vous dites Sioux ou Cherokee

Mais où étiez-vous aux instants les plus durs ?

Notre terre a été volée, vous n’avez pas bougé.

Nous avons été massacrés, vous n’avez pas crié.

On nous a mis dans des réserves, vous dormiez.

Nous étions moribonds, vous mangiez.

La parole nous était interdite, vous vous taisiez.

Nous vous appelions, vous n’entendiez pas.

Notre liberté est morte, vous n’en aviez cure

Et toujours quand nous avions besoin d’aide, le puits était sec.

Floyd Westerman

Aujourd’hui, avec la musique des Blancs, les disques des Blancs, les mots des Blancs, l’Indien chante à la radio des Blancs sa chanson amère et désillusionnée, grinçante et agressive. Mais cela suffira-t-il ?

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Tatave de Buenos Aires 1975

Au 645 de l’Avenida Cor­doba, l’enseigne tranche d’avec les magasins et restaurants argentins: «LA COUPOLE, chez Tatave». Je ne cours pas le monde pour retrouver aux antipodes le steak-frites, le kil’ de rouge, le béret basque et les coupons de tiercé… mais la curiosité m’a fait pousser la porte. Com­ment un certain Tatave (Gus­tave ou Octave, sans doute) a-t-il bien pu se retrouver patron de bistrot sur les bords du Rio de la Plata ?

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Ma maman

Je sais si peu de choses de ma maman. Et pourtant, nous avons partagé 67 années de vie plus ou moins commune mais elle était si discrète, si secrète, comme je l’étais sans doute aussi un peu. Je sais qu’elle était née en 1911 à Zurich, qu’elle y avait passé une enfance heureuse et qu’au début des années trente, elle était venue à Genève pour parfaire son français. C’est là qu’elle a rencontré Maurice, mon père. Ils se sont installés à Ferney, où mon papa était né et d’où il n’est jamais vraiment reparti.

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C’était mon père, à n’en pas douter

Nicolas m’a emmené chez Nicolas. Le penseur  négligé m’a invité pour une infusion de cannelle au lait chez le potache de 1920. Et mon regard s’est arrêté sur un profil, celui d’un joueur de dominos, massif, la peau plutôt sombre, soixantaine tassée. Pourquoi cette silhouette m’attirait-elle ainsi? Et pourquoi, lorsque ses yeux se sont tournés vers nous, ne m’a-t-il pas fait un signe de tendresse, comme autrefois? Car ce nez curieux, ces sourcils méfiants chapeautant un regard candide et roué, cette bonhomie alerte, cette sagesse apaisante, c’était mon père, à n’en pas douter. A peine un peu plus bronzé qu’au moment de sa mort. Le peuple du monde est une grande famille.

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Mon papa

Aimé dit Maurice Décotte, 1910-1973.

Que sais-je finalement de mon papa, sinon que je ne l’ai pas assez connu et sans doute pas assez compris. Son prénom d’emprunt, Maurice, alors qu’il se prénommait Aimé. Son enfance ferneysienne. Sa rencontre avec ma maman, du bout des lèvres. Leur voyage au Brésil, en pleine guerre. Ma naissance juste après leur retour. Et la fracture grandissante de leur couple.

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