L’aventure de l’Orient-Express

Le train fut la plus grande aventure du XIXème siècle et les pionniers de cette glorieuse époque appartiennent désormais à la légende. « Roi des trains, train des rois », célèbre dans le monde entier grâce au roman d’Agatha Christie, l’Orient Express fut sans conteste le plus grand, le plus luxueux, le plus fameux.

Premier épisode: un peu d’histoire

Le 5 juin 1883, il reliait pour la première fois Paris à Constantinople, la future Istamboul, via Bucarest et Varna où, faute de voie ferrée, les passagers embarquaient sur un paquebot jusqu’à leur destination finale.

Pendant près d’un siècle, malgré les embûches et les conflits, l’Orient Express tissa un réseau historique à travers la vieille Europe, jusqu’aux portes de l’Orient. Pourtant, face aux nouveaux moyens de transport, ce train vénérable vécut dans les années soixante une longue agonie. En mai 1977, l’Orient Express quittait Paris pour son dernier voyage.

Le dernier, vraiment ? C’était compter sans James Sherwood, un riche homme d’affaires, qui se mit à racheter et à restaures un à un les wagons laissés à l’abandon. Et c’est ainsi que, le 25 mai 1982, l’Orient Express reprit du service sur les itinéraires d’antan, pour une nouvelle clientèle désireuse de découvrir, à bord d’un train mythique et complètement restauré, les charmes de l’Europe en devenir, celle-là même qu’il avait contribué à créer, un siècle plus tôt.

Deuxième épisode : De Paris à Venise

2004. Paris, gare de l’Est, au petit matin. Les passagers venus de Londres dorment encore lorsque l’Orient Express entre en gare. Ils ignorent combien cette brève étape va contribuer au plaisir de tout leur voyage. Chef de cuisine à bord du train, Christian Bodiguel s’approvisionne à Paris, Venise, Budapest, Istamboul. Ici, il choisit en particulier les homards, langoustes et autres turbots qui émailleront son extraordinaire carte, le voyage durant.

Après un bref passage en Suisse, cap sur les Alpes autrichiennes et arrivée, le lendemain matin, à Venise. Le directeur du VSOE (Venise Simplon Orient Express) est un Suisse, Claude Ginella. Cette renaissance de l’Orient Express, il en a été l’un des premiers acteurs, en compagnie du Dr Natale Rusconi, directeur du somptueux hôtel Cipriani, sur l’île de la Giudecca, où descendent les vedettes et les plus fortunés des passagers du train.

Troisième épisode :  de Venise à Budapest

Depuis mai 2004, plus de frontière entre l’Autriche et la Hongrie, naguère unies dans un Empire et aujourd’hui réunie dans l’Europe élargie. Eszter Merei, notre guide, a été typographe à Genève. Sur les bords du Danube, elle nous entraîne chez un fabricant de violons, tsigane bien sûr, puis sur la voie étroite du petit « train des pionniers » cher à son enfance.

De son côté, l’Orient Express fait étape au musée des Chemins de Fer où des milliers de citadins viennent admirer la vaisselle de porcelaine, les verres de Lalique et le luxe d’un autre temps. Dans un quartier de la périphérie vit une famille dont le père, hongrois d’origine, est né en Suisse après l’invasion soviétique. Sa femme défend fièrement l’identité hongroise. Quant aux enfants, ils sont européens, évidemment !

Quatrième épisode : de Budapest à Bucarest

En 2004, quittant la Hongrie, l’Orient Express quitte aussi l’Europe, vers laquelle lorgnent Roumanie, Bulgarie et Turquie.  A bord, les passagers se retrouvent au wagon restaurant, des liens se tissent, des destins se révèlent. Brève étape à Sinaïa, dans les montagnes des Carpates. Havre de paix, jadis lieu de villégiature des rois… et des apparchiks.

A Bucarest, l’Orient Express arrive dans la minuscule gare de Baneasa d’où le roi Carol, père du roi Michel, avait fui avec sa maîtresse pendant les années de guerre. Avec l’arrivée des communistes, la monarchie avait disparu, mais pas les fastes. Voici la villa de la famille Ceausescu et sa robinetterie d’or, voici le Palais du Peuple, plus grand édifice du monde après le Pentagone.

Cinquième épisode : de Bucarest à Istanbul

C’est ici, à la porte de l’Asie, que l’Orient Express accomplit son voyage et retrouve son histoire. Le 1er janvier 1929, 80 kilomètres avant l’arrivée, le train avait été bloqué dans les neiges pendant six jours ! Mais avant d’atteindre les bords du Bosphore, le train fait en Bulgarie un crochet par Varna, où s’arrêtait jadis la ligne au profit d’une fin de voyage en bateau. Donnant sur la mer noire, les jardins du château sont sublimes et, dans le choeur de la cathédrale, les voix d’hommes psalmodient la liturgie orthodoxe.

L’entrée en gare d’Istamboul se fait au son des janissaires et de leurs tambours. Pour nous, le voyage se termine en ce jour de 2004 mais, pour Claire-marie et Anne, la vie est ici. Elles ont pris mari en Turquie, leurs enfants sont bilingues et leur avenir sera en Turquie, si le pays ne bascule pas dans l’intégrisme et que l’Europe daigne lui entrouvrir la porte.

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