Santiago 1971

Santiago du Chili. 15 000 km à vol d’oiseau. Allende. La voie chilienne vers le socialisme. Un pays de 6000 km de long, le désert brûlant à bout, les glaces antarctiques à l’autre. Le tout sur quelques centaines de kilomètres de largeur. C’est bien sur tout cela, le Chili, mais c’est d’abord l’Amérique du sud et, donc, le passage dans un autre hémisphère.

Déjà, à l’escale de Rio de Janeiro, une touffeur et une humidité inconnues vous prennent au ventre et vous montent au visage. Pourtant, il n’est que huit heures du matin mais les ventilateurs agitent en vain leurs pales tandis que les voyageurs, vaincus, traînent leur fatigue dans les couloirs de l’aéroport de Galeao.

Re-départ, le survol du Pain de Sucre et de la baie de Copacabana. Vision classique mais toujours saisissante. Le Christ de Corcovado dominant les collines d’une luxuriance vert bouteille. Cap sur Buenos Aires. Près de trois heures de vol. Le relief ondulé fait peu à peu place à la pampa, l’immense plaine argentine. Le vert devient plus tendre. À Buenos Aires, revint du matin, il fait à peine sept degrés par un vent frisquet. Hémisphère austral. Il faut s’habituer à l’idée du froid au sud, du chaud au Nord.

Au Brésil comme en Argentine et aussi en Uruguay, je m’arrêterai longuement au retour. Ce ne sont donc maintenant que des escales techniques. L’avion prend de l’altitude. Les premiers contreforts de la cordillère des Andes barrent l’horizon. Nous voulons plaine ouest. Les premières neiges apparaissent. Juin, en Amérique du sud, ces le premier mois de l’hiver. Les sommets deviennent arrogants. l’Aconcagua culmine à 7000 m. Nous survolons désormais le Chili. L’appareil pique, s’enfonce dans le brouillard. Quelques minutes seulement après avoir franchi les Andes, nous atterrissons dans la plaine chilienne, cet étroit cordon qui sépare la montagne du Pacifique.

Santiago. Quand le soleil brûlant de midi inonde sans doute mon lointain village, 9 millions de Chiliens s’éveillent au jour qui point à peine sept heures du matin, en hiver, c’est le moment du froid qui s’arc-boute, l’instant où le loup va condescendre à redevenir chien.

Midi. Il fait à peine chaud. Devant l’aéroport de Pudahuel, les voitures sont rares et antédiluviennes. Américaines de l’immédiat après-guerre, est aussi vieille guimbarde française des années 20, avec phares exorbités et cul pointu. Coupant la route qui mène à la capitale, de lourd chemin rendu boule par les pluies de la semaine passée. C’est le temps des ultimes vendanges et les dernières pommes un rien flétries pende aux arbres effeuillés dans les mini jardins entourant de dérisoires cabanes. C’est ainsi que vivent deux tiers des Chiliens, dans les banlieues de Santiago, Valparaiso, Concepcion.

Des faubourgs sales et délabrés émergent parfois d’antiques façades, reliquats des colonisations espagnole puis britannique. Partout, d’immenses slogans peints de couleurs vives rappellent que le pays vit plutôt d’élections que de pronunciamentos. Allende. Tomic. Alessandri. Les communistes à la CNT. Patria y Libertad pour les vrais nationalistes.

De grands yeux noirs et brillants vous observent, curieux. La femme chilienne est longue, agile, effrontément belle. Elle semble plus évoluée, plus ouverte que l’homme. On dit que dans certaines régions il naît sept filles pour un seul garçon. C’est sans doute pourquoi, à Santiago, malgré l’hiver, les nuits sont courtes.

Alex Décotte

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