Avec les Indiens d’Amérique du Nord / 1972

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Où étiez-vous lorsque nous avions besoin de vous ?

Où étiez-vous lorsque nous vous voulions frères ?

Maintenant vous vous dites Sioux ou Cherokee

Mais où étiez-vous aux instants les plus durs ?

Notre terre a été volée, vous n’avez pas bougé.

Nous avons été massacrés, vous n’avez pas crié.

On nous a mis dans des réserves, vous dormiez.

Nous étions moribonds, vous mangiez.

La parole nous était interdite, vous vous taisiez.

Nous vous appelions, vous n’entendiez pas.

Notre liberté est morte, vous n’en aviez cure

Et toujours quand nous avions besoin d’aide, le puits était sec.

Floyd Westerman

Aujourd’hui, avec la musique des Blancs, les disques des Blancs, les mots des Blancs, l’Indien chante à la radio des Blancs sa chanson amère et désillusionnée, grinçante et agressive. Mais cela suffira-t-il ?

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Tatave de Buenos Aires 1975

Au 645 de l’Avenida Cor­doba, l’enseigne tranche d’avec les magasins et restaurants argentins: «LA COUPOLE, chez Tatave». Je ne cours pas le monde pour retrouver aux antipodes le steak-frites, le kil’ de rouge, le béret basque et les coupons de tiercé… mais la curiosité m’a fait pousser la porte. Com­ment un certain Tatave (Gus­tave ou Octave, sans doute) a-t-il bien pu se retrouver patron de bistrot sur les bords du Rio de la Plata ?

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Ma maman

Je sais si peu de choses de ma maman. Et pourtant, nous avons partagé 67 années de vie plus ou moins commune mais elle était si discrète, si secrète, comme je l’étais sans doute aussi un peu. Je sais qu’elle était née en 1911 à Zurich, qu’elle y avait passé une enfance heureuse et qu’au début des années trente, elle était venue à Genève pour parfaire son français. C’est là qu’elle a rencontré Maurice, mon père. Ils se sont installés à Ferney, où mon papa était né et d’où il n’est jamais vraiment reparti.

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C’était mon père, à n’en pas douter

Nicolas m’a emmené chez Nicolas. Le penseur  négligé m’a invité pour une infusion de cannelle au lait chez le potache de 1920. Et mon regard s’est arrêté sur un profil, celui d’un joueur de dominos, massif, la peau plutôt sombre, soixantaine tassée. Pourquoi cette silhouette m’attirait-elle ainsi? Et pourquoi, lorsque ses yeux se sont tournés vers nous, ne m’a-t-il pas fait un signe de tendresse, comme autrefois? Car ce nez curieux, ces sourcils méfiants chapeautant un regard candide et roué, cette bonhomie alerte, cette sagesse apaisante, c’était mon père, à n’en pas douter. A peine un peu plus bronzé qu’au moment de sa mort. Le peuple du monde est une grande famille.

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Mon papa

Aimé dit Maurice Décotte, 1910-1973.

Que sais-je finalement de mon papa, sinon que je ne l’ai pas assez connu et sans doute pas assez compris. Son prénom d’emprunt, Maurice, alors qu’il se prénommait Aimé. Son enfance ferneysienne. Sa rencontre avec ma maman, du bout des lèvres. Leur voyage au Brésil, en pleine guerre. Ma naissance juste après leur retour. Et la fracture grandissante de leur couple.

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Annaïs

Annaïs était née vers les années mille-huit-cent-quatre-­vingts à Gex-la-Ville et rien ne la prédisposait à devenir, soixante-cinq ans plus tard, héroïne gexoise, colonel honoraire des FFI et première utilisatrice de la pompe à pression McCormick, sans parler du Championnat du Monde de course en sac, auquel elle échoua de justesse à cause d’un « sale » Italien nommé Peretti.

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Chacho Royo

Padre Requena, Chacho Royo et Arturo Fernandez

L’histoire remonte à bien longtemps et l’homme qui l’a vécue rechigne encore à l’évoquer. Pour lui, c’est son passé, son honneur et sa déchirure, pas sa carte de visite. Il sait que ses proches savent, mais il n’aime pas en parler et, lorsqu’il le fait, c’est par allusions banalement énigmatiques, afin de ne pas élargir le cercle des initiés.

Nous sommes au printemps 1923, très précisément le 7 octobre, à San Lorenzo, province de Salta, Argentine.

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Alexique

Est alexique une personne capable d’écrire mais incapable de relire ce qu’elle a écrit.

Maladie pas si rare que ça, renseignements pris. Figurez-vous que j’en suis victime. C’est tant mieux pour moi, qui suis alexique plus souvent qu’à mon tour, et tant pis pour vous, qui allez devoir me supporter.

Au fil des années, j’ai pondu des textes brefs consacrés à tel personnage, tel lieu, tel événement. Ils se devaient aussi éphémères que leur actualité et, pourtant, j’ai l’outrecuidance de penser que, comme un bon vin, ils ont gagné à vieillir. Je vous livre ici ceux que j’ai pu retrouver dans ma cave… pardon, dans mes archives. Bruts de décoffrage.

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Provence

Provence docu

Première excursion en terre provençale  Je devais avoir huit ans et sans doute n’appréciai-je pas à sa juste valeur. Ne me reviennent en mémoire que la touffeur du voyage, la peur dans les tunnels, la méchante odeur charbonneuse de la locomotive. Puis la maison amie, dominant la mer. Le jujubier aux fruits aigres, le réservoir d’eau potable, qui nous servait de piscine et dans lequel je prenais un malin plaisir à pisser à grands jets moussus. Les batailles de mantes religieuses aussi, auxquelles nous assistions avec délectation, enfermant les protagonistes sous une cloche de verre, afin que ne nous échappe aucun des détails du meurtrier festin.

Souvenirs d’eau enfin. Noyade à laquelle je n’échappai que d’extrême justesse, jeté et rejeté par la vague, à en perdre souffle et cuir, sur les dents acérées d’une calanque. Puis ce fut le retour et, preuve que ce coin d’univers m’avait peu marqué, je ne crois pas avoir conté le moindre épisode provençal à mes camarades au parler pointu, lorsque revint le temps de l’école et des brumes du nord.

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Terre de feu

Il est des noms de lieux qui, par leur simple énoncé, suscitent l’imagination. Syracuse. Tombouctou. Kairouan. L’Acadie. Sans oublier la Terre de Feu. A l’extrémité australe de l’Amérique du Sud, cette île du bout du monde a longtemps tenu dans mon esprit une place de choix. La place, sans doute, qu’occupent les rêves irréalisables. Et puis, un jour, ma route m’a mené jusqu’en Terre de Feu.

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